mercredi 2 septembre 2020

  La pécheresse de l'humanité

 Creepypasta



La pécheresse de l'humanité. Creepypasta

 

     "I have a dream". J'ai toujours voulu rapporter des évènements en débutant avec cette citation très Martin Luther Kingienne. Mais, rien n'est imaginé. Mes songes sont si tangibles qu'ils vont devenir votre effroyable réalité. Personne ne la verra, nul ne l'entendra aucun être ne la concevra, pourtant, en un instant elle vous emportera. Sa furie destructrice va s'abattre sur le monde dans un océan teinté par votre sang. 

     Au commencement, en une explosion de mots et maux colorés, j'avais entraperçu la catastrophe dessinée par la société. Dans un univers de grisailles, j'étais si hagarde que j'avançais très lentement. L'univers où j'évoluais était teinté par une atmosphère apocalyptique. La végétation était fanée, ratatinée sur elle-même et à présent colorée en un vert très foncé confinant au noir. Nos familiers, nos animaux domestiques n'avaient pas eu plus de chances, leurs cadavres noirs bordaient les ruelles en des lignes mortifères. Le ciel était teinté d'un rouge lié à des exécutions punitives. Des éclairs bleutés et jaunes, éclataient en un vacarme tonitruant. Esseulée, je continuais à marcher seule dans les rues désertes mais, à proximité, l'entité responsable errait en se régalant de la fin du monde.. Je le pressentais, elle était là, attendant et guettant un pas de travers. 

     A mesure que mon avancée me guidait vers un endroit que je souhaitais épargné de tous dangers, j'aperçus au loin un immense monticule qui tremblait sous la toile du ciel dégorgeant de rouge et grondant des éclairs. Le mont était, à l'instar du reste, bigarré dans des tonalités étranges faites de terre d'ocre et noir maussade. Une chose, prisonnière de cette vallée supplia. Une enfant, au regard féroce tenta de se dégager de l'amoncellement qui était ... humain. La petite, coincée à la base de la pyramide d'êtres vivants, pleura lorsqu'elle me vit. Elle tenta de libérer sa main mais son membre refusa d'obéir, il craqua en un bruit atroce et céda. La gamine, galvanisée par l'effroi, poussa un hurlement et rua vers l'avant. Alors, l'étrange assemblement d'hommes et de femmes trembla et se précipita vers moi, les corps couverts de sangs marronâtres chutèrent dans ma direction. Voulant fuir, je rebroussai chemin en criant. Je me réveillai en sueur mais point effrayée par ce rêve. 

     Quiconque s'intéresserait à mon récit, serait noyé dans l'incompréhension face à ma réaction froide et blasée. Mais si je débutais en me présentant vous comprendriez que depuis toute petite, je suis habituée à ces mauvais rêve trop précis et trop imagés. Je m’appelle Lucille et je suis médium synesthésiste. Étrange mélange, certes, mais les anomalies viennent souvent ensemble pour mieux se tenir compagnie. Je suis différente du commun des mortels, et vous savez j'en ai toujours souffert. Dès l'entrée à l'école maternelle, l'équipe pédagogique nous apprend qu'il n'est pas toujours bon de sortir des sentiers battus.

     Je me souviens le jour sombre où je pris conscience de ma malédiction. J'étais scolarisée dans une petite école de banlieue. La maîtresse nous avait demandé de dessiner les prochaines vacances. C'était une tache routinière, enfantine et habituelle, néanmoins, je ne produisis pas ce que l'on espérait de moi. Mes crayons filèrent sur le papier et créèrent une femme qui se tenait la gorge en grimaçant. J'avais coloré son visage tout en noir et agrémenté son cou et sa bouche de flaques de sang rouge. J'avais été plongée dans une transe créative associant un rouge maladif au noir du deuil. Je ne savais pas encore ce que je voulais dire mais quand ma mère développa un cancer de la gorge et fut malade au point de cracher du sang, je compris. Je repeignais le monde avec mes propres codes de couleurs qui me dévoilaient l'implacable réalité. J'avais une capacité médiumnique qui me laissait entrevoir l'avenir des autres et l'art d’associer des couleurs à ces futures catastrophes. Pendant des années, je tentai de sauver bons nombres de mes proches de leurs noirs décès précoces et d'apaiser les cramoisis de leurs maladies. 

     Mais vous savez, je ne suis pas Prométhée, je ne peux pas dérober le feu sacré de l'atroce chimère pour vous sauver de votre propre jugement. Car c'est de cela qu'il s'agit. L'annihilation des races vivantes à cause de tous vos péchés. Bientôt. Vous allez tous mourir. Je l'ai su très rapidement au travers d'un second rêve peinturluré d'horreurs prémonitoires. C'est là que pour la première fois, je la vis. 

     Saudalia est la créature engendrée par tous les vices, qui gangrènent la société . Sa furie destructrice va s'abattre sur le monde dans un océan teinté par votre sang. Saudalia est éternelle et même après l'extinction de notre ère, la pécheresse de l'humanité persistera encore à la recherche de nouvelles formes de races à exterminer. L'exterminatrice ne sait pas parler, elle ne s'exprime pas car les humains, infichus de communiquer, l'ont voulu comme ça. Ses lèvres sont peinturlurées du code couleur bleu lié à la parole. Sa bouche est cousue . Elle ne parle pas, elle hurle juste son désespoir du fond de ses entrailles. Comme ses mains bleuies sont enfoncées la plupart du temps dans ses conduits auditifs, elle est privée de sons. Elle est telle que l'humain l'a crée : dans les lieux publics et aux seins des foyers plus personne ne communique ; tous vivent recroquevillés dans leurs mondes. Saudalia tient son long corps marrons courbé, elle avance en ondoyant sous l'influence d'une vibration qu'elle perçoit mais qu'elle n'entend pas. Elle se nourrit de tous les défauts de notre monde qui entretiennent sa silhouette marronnée. Tous les jours qui passent la rendent plus proche de notre monde. 

     J'aimerai vous sauver de son jugement, vous exempter de vos propres défauts mais il est trop tard : le ciel où évolue votre pécheresse rougeoie et annonce les maladies foudroyantes et la destruction de l'humanité par la mort.. Je vis son mode opératoire dans d'autres songes prémonitoires. Son corps cessait d'onduler dès que sa route croisait celle d'un pécheur. Elle levait alors son index vers les cieux et créait un puissant éclair qu'elle dirigeait sur toutes ses victimes. La destructrice de notre monde se régalait du spectacle des corps humains foudroyés qui tressautaient avant de trépasser. Le corps d'un voisin raciste souffrait au côté d'une voisine avare et agressive. L'adolescente du rez-de-chaussée qui était kleptomane volait dans les airs en se tordant dans des angles improbables ; elle heurta violemment le quadragénaire du cinquième vu comme un pédophile. Sous l'impact, les os se cassèrent. Dans une gerbe de sang, des membres volèrent sinistrement vers le sol. Des voisins d'étage. Peut-être coupables, peut-être innocents. Mais peu importe je les connaissais tous. 

     "I have a nightmare" . Pour évoquer une célèbre maxime, l'enfer ne fut pas les autres, mais l'enfer fut créé par les autres. Et je connaissais personnellement ces autres. Je rentrais de la journée de travail quand le basculement vers la dimension horrifique eut lieu. L'hiver gelait les rues parisiennes qui étaient déjà figées dans une ambiance sinistre. Je fus interdite de stupeur quand je vis des éclairs orageux fissurer le ciel toujours en plein hiver. Le monde allait changer. Accompagnée de cette certitude et d'une lointaine clameur de détresse, je franchis le palier de mon appartement. Christophe était fourré avec son acolyte David et conversait avec animation. De sa main droite, il ponctuait ses propos à l'aide d'un dangereux gadget. Virulent, il assenait des : " non, il doit payer maintenant. Il remboursera la dette ce soir ou alors, il le payera de sa vie" . J'avais rarement vu des accès de violence chez mon compagnon, et, à cet instant, je fus confrontée à sa véritable nature, car, en plus de l'agressivité qui l'habitait, il tenait à la main... Un revolver. J'imaginais quel genre de trafic pouvait se régler par un coup de feu pour une banale histoire de dettes. Christophe était un dealer, un vendeur de mort. 

     Tandis que l'horreur me figeait d'effroi, j'entendis un fracassement de bois, des cris d'agonie et ces hurlements de détresse qui percèrent mes tympans. Je pris alors conscience que la pécheresse de l’humanité était vraiment réelle. Elle dansait étrangement au pas de la porte de mon studio au rythme d'une funeste mélopée qu'elle seule appréhendait. Alors qu'elle cria sa colère, sa silhouette tordue se figea. L'haleine de charogne me fit reculer vers l'une des chambres. Je voulais m'enfuir car je savais que je ne pourrais rien faire pour stopper son jugement. Christophe était damné et il était impossible de le sauver. 

     Saudalia dirigea son index vers moi et le secoua en un geste négatif. Elle posa un regard morne et vide sur moi. Ses yeux, dont les sclères couvraient pupilles et iris, étaient d'un vide abyssal et terrifiant. Je ne l'intéressais pas, mon âme n'était pas rongée par mes actions. Durant toute mon existence, j'utilisais mes prémonitions pour sauver mes proches et tout ceux que je connaissais mais cette fois ... Je ne pourrai rien. Car elle se tourna rageusement vers Christophe qui marmonna son désarroi. Je ne pouvais rien faire contre la force destructrice de Saudalia. Alors, je battis en retraite vers ma chambre. J'entendis très nettement les horreurs qui suivirent. A intervalles régulières, un corps lourd, accompagné d'un concert de craquement et de suppliques, retombait sur le sol. Tout le mobilier était détruit en une cacophonie étourdissante. Et enfin, tout ne fut que grésillement. Les plombs sautèrent et le courant fut coupé dans tout l'appartement. Saudalia poussa un son strident et fit exploser tous les vitraux. 

     L'immeuble ne résisterait pas à sa cauchemardesque colère. Alors, je pris la décision de sauter par la fenêtre de ma chambre. J'habitais au rez-de-chaussée, donc mon saut ne m'abima point mais la vision de la destruction de l'humanité me sidéra. C'était comme dans ma toute première vision. Un tas de cadavres et corps déchiquetés marrons et noirs trônait à l'autre bout du terrain. La fillette y était sûrement et je la connaissais probablement. Mais, je n'étais pas capable de la secourir : ses défauts l'avaient déjà perdu. Je souhaitais juste quitter les lieux du massacre. Les bruits de verres brisés, de meubles cassés, les voisins braillant dans leurs logements. Alors je ne sus faire qu'une chose : courir à en perdre haleine. 

     Je ne devrais pas car cette lâcheté me perdra. Dans chaque coin du monde, à tous les tournants des ruelles terrestres, Saudalia arrivera toujours à condamner les vices de la société. Elle saura toujours ou chercher et où trouver. Et je serai sur sa liste et, sans aucun doute, vous aussi. Pendant que l'humanité s'érode, Saudalia rode. Il est peut-être trop tard pour prévenir. La vie humaine, de par ses travers, est probablement déjà condamnée. Mais je ne peux que vous conseiller de prendre garde à vos comportements. Écoutez tous les bruissement de l'humanité restante avant que, définitivement dans notre monde, Saudalia ne s'ancre. Prenez garde car vous seuls, pourrez vous sauver.