Le Père Noël est sale
« Vous devez impérativement venir chercher votre enfant.
-C’est à quel sujet ? Candice va bien ?
-Rassurez-vous Barbara ! Votre fille est entre de bonnes mains. Il
s’agit plutôt de… Eh bien… Pendant la récré, une de nos institutrices
surveillait un groupe d’enfants turbulents. Vous savez ce que c’est à
cet âge-là. Ils sont excités par la fête de Noël qui approche… Et
puis…Car… »
Adossée au mur de la cuisine, Barbara Artkins écoutait d’une oreille
distraite les propos incohérents. La mère de famille triturait
nerveusement le fil du combiné téléphonique. Elle se mordit la lèvre
jusqu’au sang. À la recherche de ses clés de voiture, elle ouvrit un
tiroir. Elle fouilla frénétiquement et ne trouva rien d’autre qu’un
journal dont la une titrait : « Dans la ville de Bessemer, un homme
psychotique s’est évadé d’un asile. » Barbara soupira et perdit
patience. Abruptement, elle coupa le verbiage incessant de la directrice
: « S’il vous plaît, venez-en au fait.
-Bien. Des enfants ont disparu ce matin. Deux petites. Elles ont suivi
un homme et sont montées dans une camionnette verte. L’individu, aperçu
de très loin, portait un bien étrange accoutrement. Il tenait les élèves
par la main. Insouciantes, elles sautillaient. Il y avait cet air de
familiarité. À tel point, que nous pensions que les petites
connaissaient l’individu. Sauf que ce n’est pas le cas…Nous entrons en
vigilance rouge. S’il vous plaît, venez récupérer votre fille. »
Le trousseau de clés accrocha le regard de Barbara. Il se balançait à un
simple clou planté sur le mur. Il la narguait. Durant un long moment,
les mouvements hypnotiques captèrent son attention. Tout comme un
véhicule visible par la fenêtre. La mère de famille eut un hoquet de
stupeur. Devant sa maison, était garée… une camionnette vert sapin.
Saisie d’effroi, elle finit par lâcher le combiné du téléphone. Sa
correspondante beuglait : « MADAME ARTKINS ! VOTRE FILLE EST INTROUVABLE
!!! » Paniquée par la présence de la camionnette, Barbara n’écoutait
plus. Elle laissa le combiné choir au bout du fil. Elle s’arma d’un
couteau de boucher. Elle ouvrit discrètement la porte de la cuisine.
Elle se dirigea vers le couloir menant à la porte d’entrée. Celle-ci
n’était pas verrouillée. Et elle… s’ouvrit. Puis se referma. Des bruits
de pas précipités résonnèrent.
« Maman ! Maman ! Je suis rentrée !!! » Candice, une charmante
blondinette, fit irruption dans la cuisine. Elle se rua vers sa mère, en
état de choc. La jolie tête blonde surenchérit : « Tu ne devineras
jamais qui j’ai croisé à l’École ! - La porte d’entrée s’ouvrit en un
fracas retentissant. - Le Père Noël. Le vrai de vrai. C’est lui qui m’a
raccompagné. - Un bruit de bottes se fit entendre. - Mais, je suis
déçue. Maman ! Le Père Noël est saaaaale. Il ne sait pas manger. Si tu
voyais ça, il a la barbe, pis son manteau, couveeeeert de sauce tomate. -
Ho ! Ho ! Ho - C’est lui ! Il arrive ! »
Devant la mère interdite qui serrait son enfant comme si sa vie en dépendait, la porte de la cuisine vola en éclats.
Un homme fit son entrée. Le Père Noël. Il était d’une saleté
repoussante. Ses vêtements ne dégoulinaient pas de sauce tomate, mais de
sang. Des résidus sanguinolents étaient mêlés à sa barbe. Il empestait
la crasse et la sueur. Son regard était fou. Il balança sa hotte sur le
sol. Des têtes d’enfants aux regards morts en sortirent. Elles roulèrent
sur le sol jusqu’aux pieds de Barbara et Candice qui reculèrent en
tremblant. Le macabre Père Noël ricana un « Joyeux Noël » , puis, se rua
vers la mère et sa fille qui poussèrent des hurlements de terreur.
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